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LUMIERES

[...] Oublions les gens de la peinture, qui taillent dans la couleur la vérité et la pertinence, qui possèdent sous leurs doigts toutes les nuances et tous les mélanges pour ajuster leur raisonnement. Pensons tout simplement à ceux qui n’ont que le noir, que le gris, le carbone, le sanguin, le carmin ou le sépia pour tout réussir. N’est-ce pas la forme la plus détaillée de l’art figuratif que de sculpter du vide, de tendre les pleins et les déliés, les fonds et les surfaces, les volumes et les vides avec pour seuls outils de quoi effacer et de quoi marquer. Sous leurs doigts qui appuient l’étendue de leurs feux monochromatiques, apparaissent le poli, le lourd, le sourd, la vitesse et la souplesse. Le souhait de fidélité n’est rien de moins que l’éloge du sensible et du drapé. Quoi de plus expressif que le poids dans les plis du tissu, lorsqu’il est conjugué à son velours et à son charme. La peau d’une nuque n’est-elle jamais plus belle que sous les traits de la finesse et de la courbe ?
Les dérivés de ces palettes uniques qu’on étale sur des images sont à coup sûr les plus abondantes parures. Lorsqu’on passe la peau sur l’oubli d’un crayon, le contact du vivant à la sécheresse déploie sous nos yeux la vraie magie de la vérité, l’on voit s’étendre sous notre empreinte le dégradé de la vraie richesse, la beauté toute entière éclatée, barbelée, pailletée. Alors c’est l’univers jusqu’à son comble que l’on voit dans la dégradation d’un coup de crayon raté exprès.

Lettres ouvertes, Albarracin

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