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CALLIGRAPHIES/COLLAGES

A propos du rapport au réel (conclusion)


"l’espace n’existe plus. En effet le pavé de la rue, trempé par la pluie, sous l’éclat des lampes électriques, se creuse immensément jusqu’au centre de la terre. Des milliers de kilomètres nous séparent du soleil ; cela n’empêche pas que la maison qui est devant nous soit encastrée dans le disque solaire."
Manifeste Futuriste

 


L’on peut se poser la question sur l’importance du jugement de la conception. Le réel est-il l’invisible ? Et dans ce cas précis, la figuration est-elle dénouée de sens ? Dans le domaine de l’art pictural, qu’est-il primordial : former du vide rempli de plein ou dessiner du plein rempli de vide ? La forme est-elle irréductible du fond ? Là où il n’y a plus de questions rhétoriques et où le sensible se mêle à l’incompréhension.
Qui est le plus juste des deux : celui qui dessine un ovale jaune de cadmium moyen, plein, entrecoupé dans le contour d’un triangle vide, dans un cadre blanc de format rectangulaire de grandes dimensions, étant sensé représenter le volume et l’insubmersible de l’univers, la saturation de l’existence, le tout, la conscience de la plénitude et de l’imagination croisés avec le triangle de l’infini, plat, informe et creux, inviolable et dénué, la stérilité de l’inconscient et l’uniformité dans une situation philosophiquement spatiale. Ou alors cet autre qui dessine un tournesol sans intentions précises.
La complexité du formel est à ce point précise que les contemporains ont longuement dialogué sur le thème du contour, un mouvement controversant un autre, une réplique annulant la précédente, la suppression de la structure entraînant la représentation dénudée, l’oubli du contexte s’enchaînant aux retours les plus primitifs à la trivialité du réel.
Quoi de plus important, le fond ou la forme ? Lequel des deux met-il le plus en valeur ce qui est remarquable, tout en subjuguant la médiocrité ?
A l’échelle d’une vie humaine, je suggérerais que la profondeur est plus belle sur les contours. Oublions le fond. Vivons en beauté, dans l’illusion la plus recherchée, dans l’abandon le plus illusoire, vivons jusqu’à la perte de l’exceptionnel. De belles actions, pourquoi pas, l’essentiel avant tout est de demeurer brillant dans la simplicité, évocateur dans la faiblesse. Vivre dans l’élégance, c’est vivre dans la liberté. Faire de sa vie une œuvre que les autres puissent admirer. Sans s’encadrer entre les pages. Rester incontrôlable, sans dimensions, étranger à pleins pouvoirs, un roi sur son tréteau. La plus belle aventure sur son tableau.

Lettres ouvertes, Albarracín

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